LE BAREME MACRON… SUITE DE LA SAGA
Pour rappel, dans deux avis du 17 juillet 2019, la Cour de Cassation a estimé que le barème des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif, introduit par l’Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, était conforme aux conventions européennes et internationales (article 24 de la Charte sociale Européenne et article 10 de la Convention 158 de l’OIT).
L’article L. 441-3 du Code de l’Organisation Judiciaire dispose que « l’avis rendu ne lie pas la juridiction qui a formulé la demande ».
La Cour de Cassation et a fortiori les juridictions du fond ne sont donc pas liées par les avis du 17 juillet 2019.
A plusieurs reprises d’ailleurs, la Cour de Cassation n’a pas suivi un avis qu’elle avait elle-même rendu précédemment.
Suivant l’article L.441-3 du Code de l’Organisation Judiciaire, la Formation de Départage du Conseil de Prud’hommes de Grenoble a, par jugement en date du 22 juillet 2019 (postérieur donc aux deux avis du 17 juillet 2019) a:
- considéré que les avis rendu par la Cour de Cassation le 17 juillet 2019 ayant conclu à la comptabilité des stipulations de l’article L.1235-3 du Code du travail et de l’article 10 de la convention de l’OIT, “ne constituaient pas une décision au fond”.
- en conséquence, compte tenu des faits de l’espèce, écarté l’application du barème Macron au motif qu’il n’assurait pas une réparation “adéquate” du préjudice subi par la salariée licenciée, conformément à l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT.
La motivation retenue est la suivante:
“L’article L.1235-3 Du Code du travail peut en revanche s’oppose rà l’application de l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail sur le licenciement ratifiée par la France le 16 mars 1989, dont le Conseil d’Etat a confirmé l’effet direct, qui dispose que “si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.”
L’avis rendu par la Cour de Cassation le 17 juillet 2019 a conclu à la comptabilité des stipulations de l’article L.1235-3 du Code du travail et de l’article 10 de la convention de l’OIT, mais ne constitue pas une décision au fond. Cependant, en l’espèce, l’application du barème annexé à l’article L.1235-3 du Code du travail permet de fixer une indemnité allant de 3 à 11 mois de salaire. En retenant un salaire moyen de 2.098,77 euros qui est la moyenne des salaires sur les douze derniers mois, cela aboutit à un maximum de 23.086,47 euros.
Au regard de l’ancienneté de Mme X au sein de l’entreprise soit 11 ans et 11 mois, de son âge (55 ans au jour de son licenciement), de sa rémunération, de sa qualification et de son souhait affiché de monter dans la hiérarchie, projet totalement interrompu par ce licenciement, ainsi que de la perte pour la salariée de pouvoir bénéficier de l’allocation de fin de carrière, outre les circonstances même de la rupture, le préjudice réel subi par le salarié licencié est supérieur à cette fourchette.
La véritable adéquation des indemnités serait de retenir une somme de 35.000 euros net. Cette somme apparaissant supérieure à ce que permet l’application du barème annexé à l’article L.1235-3 du Code du travail dans la présente espèce, ce barème devra être écarté afin de permettre une réparation adéquate du préjudice de la salariée, conformément aux dispositions de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT.“
(CPH GRENOBLE, Départage, 22 juillet 2019, RG N°F18/00267)
Une semaine après le CPH de GRENOBLE, le CPH de TROYES, écarte à nouveau le barème Macron (C’est lui le premier qui l’avait écarté en décembre 2018).
Il est toutefois précisé que les débats sont intervenus le 3 juin 2019, soit avant que la Cour de Cassation ne rende ses avis du 17 juillet 2019.
(CPH TROYES, Départage, 29 juillet 2019, RG N°18/00169)
L’insécurité juridique persiste donc.
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